Glossaire

Glossaire et références

Bifurcations (et points de basculement)

En mathématiques, les bifurcations sont des cas particuliers du phénomène général des points de basculements. Ces notions servent à décrire des systèmes complexes aux trajectoires d’évolution non-linéaires (les individus, les sociétés, les écosystèmes, le système du climat ou encore le système terrestre). Les points de basculement, points critiques ou tournants, surviennent lorsqu’une légère perturbation entraine un changement majeur dans la trajectoire de développement ou dans l’état futur d’un système. Un cas classique de bifurcation sont les ‘jonctions’ ou ‘intersections de sentiers’ où, sous l’effet d’une légère pression, le système perd sa stabilité et doit opérer une transition abrupte vers un état alternatif. Il existe certains signes avant-coureurs : par exemple lors qu’un système dynamique approche d’un tournant, il présente une variabilité accrue et tarde à se rétablir d’une perturbation. Anticiper ces tournants sert à éviter les évolutions préjudiciables ou à encourager des changements souhaitables.

Hypothèses

Postulats, suppositions ou conjectures par lesquelles l'imagination anticipe sur la connaissance pour expliquer ou prévoir la réalisation éventuelle de faits, pour en déduire des conséquences. Les scénarios d'anticipation s'obtiennent à partir d'un ensemble d'hypothèses, plus ou moins vraisemblables concernant l'évolution de diverses variables, qu'il s'agit d'expliciter pour les rendre plus opérantes. On peut par exemple parier sur (h1) un creusement ou (h2) sur une résorption des inégalités sociales. On peut s'attendre à ce que l'avenir proche soit caractérisé par (h1) l'urbanisation ou par (h2) l'exode urbain, par (h1) la poursuite d'un développement technologique toujours plus intensif ou (h2) un essor des techniques artisanales (high- v. low-tech). On peut encore estimer que la raréfaction des ressources est un phénomène (h1) structurel ou (h2) conjoncturel, ou (h3) à mi-chemin entre les deux.

Innovation anticipative (et sa gouvernance)

Les disciplines telles que la prospective qui visent à appréhender l'avenir à partir de l'analyse des mégatendances, d'hypothèses, de valeurs et de visions du monde existantes sont qualifiées d'anticipatives. Les nouvelles solutions, actions ou politiques qui découlent des connaissances que ces disciplines génèrent et qui sont de nature à pouvoir influencer les valeurs collectives constituent l'ensemble des innovations anticipatives. Les structures et systèmes qui favorisent l'émergence d'innovations anticipatives concourent à la gouvernance de l'innovation anticipative.

Littératie des futurs

Capacité de savoir comment imaginer le future et de comprendre pourquoi cela est important. Le français dispose de deux notions: 'avenir' (souvent associée au destin collectif) et 'futur' (une catégorie temporelle). C'est cette dernière qui importe ici. Le future n'existe qu'en tant qu'anticipation. La littératie dans ce domaine est une manière de saisir les sources d'espoirs et d'inquiétudes qui influencent l'anticipation. Elle permet d'augmenter la part délibérée des choix que nous faisons constamment afin de gérer plus efficacement l'incertitude et la complexité. En un sens, elle permet de coloniser 'demain' avec les idées 'd'aujourd'hui'. Lorsque ces exercices dépassent les calculs quotidiens ils prennent les formes élaborées de la 'planification de scénarios' ou des 'tours d'horizons'.

Mégatendance

Force motrice dont les effets sont perceptibles dans le monde entier. Elle puise sa source dans le passé, elle est observable aujourd'hui et elle continuera à avoir un impact profond dans les années à venir. Typiquement, les mégatendances se caractérisent par un horizon de temps de 10 à 20 ans. Toutefois, leur analyse sert habituellement à informer la planification stratégique de moyen et de long termes pour les 5 à 50 prochaines années. Leur analyse permet d'identifier les continuités et les ruptures en distinguant différents rythmes de changement – progressifs ou radicaux.

Méthode Delphi

Méthode d’enquête par questionnaire qui a pour objectif premier de faciliter la convergence d'opinions et de dégager des consensus sur certains thèmes grâce à la consultations d'experts. Formalisée d’abord en 1950 à la Rand Corporation elle a ensuite été utilisée afin de soutenir l'élaboration de stratégies dans différents domaines ayant un caractère prospectif marqué. L'approche est itérative et évite la confrontation en préservant l'anonymat des participants. Les réponses justifiées apportées à un premier questionnaire ouvert par différents participants sont synthétisées et renvoyées à ces mêmes participants, en indiquant les tendances générales et particulières qui se dessinent. Chacun est invité à réagir en répondant à un deuxième questionnaire élaboré en fonction des premiers avis recueillis. La procédure est ainsi répétée jusqu'à obtenir une convergence satisfaisante des réponses.

Modélisation intégrée

Un modèle est une représentation simplifiée d'un système qui met en relation ses parties et ses propriétés émergentes et rend compte des dynamiques (souvent non-linéaires) du système. La modélisation intégrée de l'économie repose sur sa quantification physique et intègre différentes hypothèses sur son évolution potentielle. Elle est aussi intégrée puisqu'elle combine la quantification macroéconomique (notamment financière et sociale lorsque cette dernière est possible) et physique (notamment énergétique, écologique et spatiale). Un modèle sert à effectuer des simulations, à produire des scénarios et à en déduire des recommandations.

Prospective stratégique

Discipline qui explore, anticipe et façonne l'avenir, afin de contribuer à construire et à utiliser l'intelligence collective d'une manière structurée et systémique, en vue de mieux prévoir les évolutions à venir, d'élaborer des voies de transition possibles et de résister aux chocs. La prospective est dite stratégique quand elle est intégrée dans l'élaboration des stratégies et politiques.

Classification des études prospectives d'après Bootz (2001: p.48)
Classification des études prospectives d'après Bootz (2001: p.48)
Quantification physique

Nommer et mesurer le monde est une manière de raisonner sur lui. C'est un mode de connaissance et d'argumentation qui influence les conduites habituelles. C'est aussi une forme d'écriture qui se distingue à la fois de l'expression orale et de l'écriture narrative. Elle permet d'appréhender d'un coup d'œil, plutôt que pas à pas, la complexité d'un système et les relations entre ses parties. La quantification est dite physique par rapports aux quantités qu'elle mesure (par ex. la consommation d'énergie, de sols, d'eau, les émissions polluantes ou les emplois de l'économie, d'un secteur ou d'une entreprise particulière). Dans le cadre d'études prospectives elle sert en particulier à caractériser la situation initiale (en 2020) et souhaitée (en 2050) d'un type d'activité afin d'identifier les leviers efficaces suivant leurs rapports coûts-bénéfices pour accompagner la transformer de cette activité.

Résilience

Notion dont la signification est débattue. En un sens, la résilience désigne la capacité d'un système à gérer, à répondre, à s'adapter et à se remettre d'une perturbation vécue, que celle-ci soit une tension latente ou un choc soudain. La notion a été développée pour servir l'analyse scientifique depuis le XVIIIe siècle avant qu'elle ne recouvre récemment les formes d'un impératif normatif dans l'agenda politique international. Elle implique le maintien des fonctions essentielles, de l'identité et des structures des systèmes considérés – ainsi que le bien-être dans le cas des systèmes sociaux ou la biodiversité dans le cas des écosystèmes. "La résilience est un attribut positif quand elle maintient une capacité d'adaptation, d'apprentissage et/ou de transformation" (IPCC, 2022, p.7, traduction de l'auteur). Ainsi, les notions de résilience et de durabilité, bien que distinctes, sont liées. Etre résilient ne signifie pas seulement retrouver un état initial ou se diriger vers un nouvel état, mais bien aussi rester stable dans un environnement changeant.

Scénarios

Dans le contexte de la prospective, les scénarios sont des histoires, cartes ou images qui décrivent des futurs possibles. Ils tracent les contours du monde tel qu'il pourrait être demain. Les scénarios sont de différents types (possibles, plausibles, projetés, probables ou préférables) et souvent présentés à plusieurs et en petit nombre (3 à 6) pour s'adapter à notre capacité à traiter l'information. Ils sont élaborés suivant diverses méthodes, en recourant par exemple à des opinions expertes ou à la participation de groupes de parties prenantes plus élargis. Les scénarios n'ont pas de valeur intrinsèque. C'est leur construction et leur utilisation dans le dialogue stratégique qui importent. Ils servent pour l'exploration (mieux comprendre les futurs défis), l'intervention (identifier les conditions nécessaires pour atteindre certains buts, estimer l'impact de politiques avant leur mise en œuvre) ou l'évaluation (mesurer l'écart entre objectifs futurs et résultats des politiques actuelles).

Méthode des 4 archétypes de scénarios d'après Dator (2009)
Méthode des 4 archétypes de scénarios d'après Dator (2009)
Signal faible (weak signal en anglais)

Ensemble des signes avant-coureurs qui contribuent à détecter suffisamment tôt des développements plus marqués. L’expression a été introduite durant les années 1970s par Igor Ansoff dans le domaine du management dans un contexte de choc pétrolier qui avait constitué pour beaucoup une surprise stratégique. Pour Ansoff un signal faible est principalement "une information d’alerte précoce, de faible intensité, pouvant être annonciatrice d’une tendance, d’une menace ou d’une opportunité". Ce signal se renforce à mesure que de nouvelles informations deviennent connues. La ‘faiblesse’ du signal désigne la distance de l’information qu’il contient vis-à-vis du système de connaissances de ceux qui le perçoivent. La perception à temps de ces signaux et leur juste interprétation doivent permettre d’éviter la prochaine surprise stratégique.

Stratégie

Voie à travers une difficulté, approche pour surmonter un obstacle ou réponse apportée face à un défi. Pour le service public spécifiquement, la stratégie est, pour une part, la détermination des objectifs fondamentaux de long terme d’une organisation publique, l’adoption de lignes de conduite et l’allocation de ressources nécessaires pour atteindre ces objectifs. C’est, d’autre part, le plan d’action que la direction utilise pour orienter ses activités qui façonne la manière dont l’organisation emploie ses ressources, compétences et actifs. Une ‘bonne’ stratégie fournit un diagnostic d’une réalité complexe, définit une direction, des activités cohérentes et des responsabilités coordonnées pour atteindre ces objectifs, en adéquation avec les moyens préalablement identifiés comme étant disponibles.

Vision stratégique

Étape particulière de la planification stratégique, par laquelle une collectivité se dote d’une image globale de ce qu’elle souhaite devenir (sa vocation ou sa finalité) au terme d’un horizon de planification qui a été préalablement retenu. La vision guide la collectivité dans la gestion du changement qu’elle vise. Elle informe une stratégie de planification et de décision. En déterminant une cible, en la transmettant pour la partager et pour expliquer les étapes qui y conduisent, elle permet de traiter les enjeux à venir, de faire des choix, de résoudre des problèmes et de définir un langage commun en matière de développement collectif.

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